Les conditions climatiques semblent contrarier de plus en plus la production de raisins. Il n'y a pas d'autre choix que de tenter quelques adaptations tant l'ampleur du bouleversement en cours semble ne jamais devoir être pris au sérieux. Il n'y a donc pas d'autre choix que de lutter dans son coin mais pas sans parler, pas sans se concerter, pas sans échanger avec toutes celles et tous ceux qui veulent encore faire pousser des plantes.
En sillonnant le nord du Portugal cet hiver, j'ai fait l'étonnante découverte de murs combinant trognes et vigne pour ceinturer des prés. Cette méthode ancestrale semble être appelée vinha do enforcado.
L'arbre contenu dans sa hauteur est émondé jusqu'à la tête, assurant à la vigne latérale la fonction de palissage vivant mais procurant également une petite ombre portée. L'ensemble arbre vigne, occupe peu d'espace puisqu'il ceinture les parcelles et doit sans doute assurer ombre et fraîcheur pour le bétail ou l'herbe qui doit pouvoir mieux supporter ainsi les excès thermiques estivaux.
Il ne s'agit pas forcément de copier ce système mais d'en tirer des enseignements. A force de ne voir que des vignes étroites recouvrir la France, on finit par croire que rien d'autre n'est possible. Il est si difficile d'inventer et si facile d'observer ! Encore faut-il s'en donner la peine et ne pas être trop entravé dans nos tentatives d'adaptation par un système de production qui attendrait que tout s'effondre pour accepter l'idée du changement.
L'agroforesterie gagne du terrain dans les esprits et gagne les esprits sur le terrain. Cela se fait au détriment des surfaces plantées mais au plus grand profit des paysages, des équilibres biologiques et de la nécessaire adaptation aux gels et sécheresses à répétition.
Bâtir de nouvelles méthodes et reconstituer là où ils avaient disparus les bocages est le défi de notre époque. Bien des régions européennes sont restées pour leur plus grand bien en dehors de l'arasement au sens propre et au sens figuré de leurs méthodes culturales issues d'un long apprentissage et d'une lente évolution.
L'introduction de l'arbre et de la haie arrive peu à peu mais dans un océan d'ignorance tant les savoir-faire se sont perdus avec une rupture de connaissance. Il faut aller chercher dans les vieux livres, interroger les érudits et des biologistes éclairés.
Le temps de voir les projets prendre forme avec ou sans subventions, modestes ou de grande envergure et les excès du climat auront entretemps amplifié leurs effets. Il y a donc une course de vitesse à opérer entre les mesures qui peuvent préserver des ilots de prospérité et d'équilibre et des évènements météorologiques exceptionnels qui pourraient les empêcher de naître et de s'épanouir.
On ne croit que ce que l'on voit, cela semble être une triste réalité. Moi-même quand Milan a été confiné en février 2020, je n'ai pas saisi que c'était le signe imminent d'un confinement général en Europe et j'ai continué à danser sur le volcan jusqu'au sifflet de fin de partie. Il gèle en avril avec une vigne en avance sur ses stades phénologiques (i.e les étapes du cycle végétatif ) quasiment tous les ans depuis 2017. Faudra-t-il attendre que la civilisation viticole soit en danger de mort pour que la filière prenne la mesure de ce qui doit être accompli ?
Il faut s'inspirer des traditions rurales encore préservées, laisser la place à l'innovation et à l'expérimentation, impulser une énergie orientée vers une transformation rapide des pratiques. Tout doit être questionné, l'occupation des sols, les choix de cultures, des cépages, des associations d'espèces, la modification des paysages, la fabrication d'un environnement captant l'eau, limitant l'érosion et régulant les flux d'air.
Il serait donc temps que le sous-préfet se mette sous un arbre et fasse de beaux vers .
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