Il y a fort longtemps j'ai eu à étudier Corneille et un livre notamment traitant de la dialectique du héros dans son oeuvre. C'est ce terme qui me revient en mémoire quand je pense au fléau du mildiou cet été. Voici pourquoi :
La vigne a les racines plongées dans un sol martyrisé, scarifié, régulièrement écrasé par le poids des tracteurs avec leurs remorques. Ce sol ne peut pas être remplacé à l'envie. Il faut le conserver en bon état car la rotation de cultures avec la vigne est inenvisageable sachant qu'elle met plus d'une décennie à installer son système racinaire. Le potentiel de fertilité ne peut s'exprimer que si en dépit des contraintes culturales la vie en surface mais aussi en profondeur reste possible.
L'année 2018 a pu illustrer bien péniblement cette double exigence de résultats immédiats (la récolte des raisins ) et à venir (la structure du sol , son aération, la diversité biologique, le recyclage de la matière organique et son stockage)
Début juillet trois épisodes orageux très violents et rapprochés ont frappé le secteur de la propriété. La méthode de lutte biologique dans de pareils cas impose de repasser régulièrement déposer quelques centaines de grammes à l'hectare de cuivre pour lutter contre le mildiou, cette maladie fongique implacable venue d'Amérique au XIXème siècle. La pluie, outre l'effet sur le taux d'humidité de l'air, lessive les traitements biologiques précédents qui à l'inverse des produits chimiques conventionnels ne pénètrent pas dans les tissus des feuilles.
Le dilemme est alors de choisir entre une action favorable à la récolte mais très nocive pour le sol. Il s'agit ou bien d'attendre le temps nécessaire que le sol absorbe l'eau (ce qu'on appelle le ressuyage) afin de ne pas faire des ornières dans les rangs et compacter très durablement la terre ou bien de privilégier la lutte préventive contre le mildiou qui doit intervenir avant la pluie suivante. Or si celle-ci arrive très vite, le ressuyage n'a donc pas pu mécaniquement avoir eu lieu.
J'ai choisi de ménager mes sols et laissé passer les trois orages mais la suite du mois de juillet fut un calvaire et ce n'est qu'au prix d'une lutte acharnée y compris en traitant le soir pour éviter les températures caniculaires de la mi-juillet que le mildiou a pu être contenu. Malheureusement entre début et fin juillet, la moitié des merlots était partie en fumée.
L'avenir va donc imposer de laisser de l'herbe au moins un rang sur deux afin de faciliter l'entrée dans les vignes avec le tracteur mais cela réduira mécaniquement la vigueur et donc le rendement de la vigne.
Il semble donc difficile de préserver de bons rendements en satisfaisant toutes les exigences contradictoires auxquelles nous sommes soumis dans notre travail estival.
La dialectique du mildiou en bio c'est aussi de ne pas avoir la scoumoune plusieurs années de suite. Ce n'est pas une méthode mais une incantation.
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