Le vin coule dans nos verres pendant que l'encre pour en faire l'éloge s'étale abondamment dans quantité d'ouvrages, de revues, de guides et de musées.
C'est ainsi, le vin plaît pour lui-même et pour le style de vie qu'il implique. Le vin est tellement imbriqué dans notre culture, qu'il peut lui-même être associé avec d'autres pans de notre identité. Les appellations viticoles organisent des fêtes thématiques où la philosophie, le cirque, la bande-dessinée, la musique vont être associées aux fêtes des vendanges, aux portes ouvertes, aux manifestations collectives telles Bordeaux fête le vin.
Qui s'en plaint ? Pas grand monde, sauf parfois quelques grincheux dans le milieu qui voudraient n'avoir qu'à vanter les vertus de leur production. Mais c'est oublier que le vin n'est pour le consommateur bien souvent qu'un compagnon de route lors des repas, un ami lors d'un festival, un prétexte lors d'un concert ou un extra lors d'un vernissage. Le vin est certes peut-être une culture en lui-même, peut-être un marqueur civilisationnel mais n'en est-il pas plus aussi un compagnon de la culture ?
Le mot culture est maintenant utilisé comme un synonyme de monde du spectacle alors que pour bien des gens qui ne fréquentent ni théâtre, ni opéra, ni festival d'aucune sorte, la culture serait plutôt un art de vivre, fondé sur la gastronomie au rythme des saisons et issue de leur cadre de vie, sur des pratiques sportives locales, sur une langue transmise, des rites, des pratiques religieuses.
Le vin pourrait se situer à l'intersection de ces deux visions pas forcément antinomiques. Les tentatives d'associations évoquées plus haut en sont peut-être un signe. Vouloir lier une boisson fortement identifiée à un territoire à une activité culturelle moins ancrée dans un lieu mais plus dans une époque peut être vu comme une tentative de pont entre deux conceptions de la Culture. Culture identitaire, culture hédoniste, culture savante, culture populaire, toutes les cultures se rencontrent autour d'un verre.
De façon modeste, j'ai voulu avec mon ami Henry Clemens, inventer une nouvelle association lors du week-end des portes ouvertes en mariant vin et bande dessinée. La fresque du collectif Croc en Jambe crée face au public a apporté une touche d'insouciance et de gaîté dans une manifestation qui pourrait en manquer parfois si l'on n'y prenait garde. Choisir son vin, l'acheter est un acte plaisant quand on en a les moyens mais parfois une source de préoccupation liée à la peur de se tromper. La spontanéité des dessinateurs, leur accessibilité au cours de la journée où ils sont venus, a pu permettre de détendre l'atmosphère, de tisser des liens entre deux modes de création, l'un artistique l'autre artisanal. Il reste à prolonger l'élan pour l'édition 2019 et voir si le public renouvelle son intérêt pour ce mariage.
Entre-temps il est prévu de créer une cuvée fortement teintée de Petit Verdot 2018 et décorée avec la fresque, qui sera inaugurée dans l'excellente librairie Krazy Kat de Bordeaux, partenaire de cette initiative.
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