Les surfaces cultivées avec le label bio en Gironde concernent environ 6% des surfaces agricoles...
Est-ce à dire que pour les 94 % restants, il ne doit pas y avoir d'exigence d'agriculture durable ?
Les consommateurs de bio sont d'heureuses personnes car ils ont accès à des produits plutôt sains mais peuvent-ils se contenter de consommer bio sans se soucier de ce que consomment le reste de la population ? Et que dire des consommateurs non engagés dans le bio et qui voudraient simplement ne pas être intoxiqués quand ils se nourrissent et peut-être aussi léguer à leur enfants une terre fertile pour les siècles suivants ? Les filières de productions, les élus, les organisations territoriales sont fières d'exhiber le chiffre de conversion en agriculture biologique mais quand les chiffres sont si bas en valeur absolue, il importe de savoir si l'écrasante majorité de ce qui est consommé est sain et sainement produit.
Or le bio est un LABEL, un carcan administratif qui s'est auto-institué comme la référence du respect de la nature. Mais qui a déjà pensé remettre en question ce simple fait ? En quoi le fait d'utiliser "exclusivement" des produits d'origine naturelle serait par définition moins toxique que la liberté de choix éclairé en fonction des circonstances.
Ne faudrait-il pas plutôt proposer à tous les agriculteurs et donc à tous les consommateurs de mettre en place des pratiques durables ? Comment peut-on se satisfaire à la fois d'une vérité administrativement mise en boîte de la Nature et de plus que cette soi-disant vérité ne soit accessible qu'à une minorité des consommateurs ?
Je suis bien conscient de poser plus questions ici que d'apporter des réponses. Ceci étant je peux prendre un exemple pour illustrer la problématique.
A titre personnel je dois mettre en oeuvre l'essentiel des mesures imposées par le label bio mais plusieurs fois par ans, en fonction de la météo, d'impératifs de survie économique, il peut m'arriver d'utiliser un produit fongicide de synthèse . Ceci peut arriver car j'ai eu un soucis de pulvérisation, parce que la pluie ininterrompue peut mettre à mal toute solution naturelle à base de produit dit de contact et donc facilement lessivable mais cela ne sera jamais systématique, toujours exceptionnel et pourtant si fondamental et si utile pour préserver la qualité de la récolte. En quoi un ou deux traitements chimiques remettent-ils en cause l'ensemble du reste des pratiques ? Mes solutions : Engrais organique animal de proximité,, pas d'herbicide, enherbement naturel maitrisé hors période de fructification, pas d'insecticide sauf en cas d'obligation préfectorale, le travail manuel pour l'effeuillage et les vendanges ... Mais le label bio ne soufre pas d'exception. Dont acte. Mais je ne pense pas polluer plus que certains producteurs bio qui mécanisent plus leur production, qui ne laisseront jamais pousser d'herbe par un travail mécanique incessant et qui apporteront des engrais organiques massivement, véhiculés par camion etc... Qui fait le bilan carbone du bio ? Ce n'est pas évalué et c'est pourtant fondamental pour juger la durabilité du mode de production.
Autre exemple, la climatisation des chais est-elle un critère du bio ? La consommation de KW par litre de vin produit est-il un critère ? Qui se soucie du coût écologique de la climatisation des chais ?
Je pense que le débat doit être ouvert sur des points cruciaux pour tous les agriculteurs : les désherbants sont une plaie pour les sols (les fongicides aussi malheureusement mais eux sont indispensables qu'ils soient naturels ou non), il faudrait les interdire pour TOUS. La surpuissance des tracteurs devrait être contrôlée. On a trop développé de systèmes à base d'énormes pompes hydrauliques très gourmandes en énergie alors qu'on peut travailler la terre avec des systèmes exclusivement mécaniques. Qui se soucie du taux de litre de gazoil consommé par litre de vin produit ? La vendange est maintenant mécanisée quasiment partout en rouge alors que les vendanges sont encore une occasion de fournir du travail à des personnes sans grande qualification et qui ont besoin de travailler toute l'année, or si on supprime les vendanges cela conduit à un creux dans les activités saisonnières. La viticulture durable est aussi celle qui fournit du travail humain et ne met pas uniquement en oeuvre des solutions technologiques destructrices d'emploi et donc sans avenir pour l'ensemble de la société.
Ainsi l'état d'esprit "biologique" authentiquement vécu par des pionniers et des militants que je respecte, n'est bien souvent maintenant qu'un business pour accoler le logo sur l'étiquette et pouvoir vendre son vin à l'export dans les pays qui ne veulent que du bio ! (bilan carbone la encore ? ). Mais la réflexion biologique se doit d'être bien plus englobante et comprendre les systèmes humains, techniques, technologiques au lieu de se limiter à une liste d'intrants.
C'est pourquoi à titre personnel je n'adhérerai pas à un label de plus, qui limite l'éventail des usages possibles sans pour autant s'intéresser à l'ensemble des conditions d'une production durable.
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Peggie Gaccione (vendredi, 03 février 2017 12:45)
Normally I don't read post on blogs, but I wish to say that this write-up very forced me to take a look at and do so! Your writing taste has been amazed me. Thanks, quite nice article.